L’État indien d’Odisha compte une population de plus de 41,9 millions d’habitants. Au cours de la dernière décennie, la population urbaine de l’État a crû de près d’un tiers (27%), car de nombreuses personnes ont migré de villages ruraux vers de grandes villes à la recherche de travail et d’une vie meilleure. Aujourd’hui, environ une personne sur quatre vivant dans les centres urbains d’Odisha vit dans des bidonvilles, dont bon nombre sont situés dans des régions inondables ou à côté de grandes décharges. Ceci, associé à l’absence d’installation sanitaires et d’infrastructure formelles, rend ces bidonvilles dangereux et précaires.

La nature informelle des bidonvilles implique également que les résidents ne possèdent pas de droits fonciers ni de sécurité d’occupation. Ils sont dès lors exclus des services basiques, incapables d’inscrire leurs enfants à l’école, ouvrir un compte en banque ou accéder à des prestations sociales ou autres programmes publics. Les résidents vivent dans un cercle vicieux de hausse de la pauvreté et de la marginalisation, de maladies, d’expulsions et de sans-abrisme. Le problème est particulièrement grave parmi certains groupes, comme les femmes et certaines castes et tribus.

En 2017, le gouvernement d’Odisha a adopté la Loi relative aux droits fonciers pour les résidents des bidonvilles, mettant en place un programme pionnier pour formaliser les 2.919 bidonvilles de l’État et améliorer les conditions de vie de 400.000 ménages (1,8 million de personnes). Cette législation est la première de ce type en Inde et marque un grand changement de politique par le gouvernement d’Odisha, car elle cherche à permettre aux habitants des bidonvilles de détenir les droits des terres qu’ils occupent, au lieu de les considérer comme des « intrus ». Elle reconnait également la contribution importante des habitants des bidonvilles à l’économie et à la croissance future en garantissant le développement inclusif pour tous les résidents.

Le projet, intitulé l’Odisha Liveable Habitat Mission (OLHM), est mis en œuvre dans les 114 régions urbaines de 30 districts d’Odisha, faisant de ce projet le plus grand programme de délivrance de titres de propriété dans les bidonvilles au monde. L’objectif daté est de terminer le programme en 2021-2023. Dans les 18 mois depuis le début de la mise en œuvre du programme, le projet a déjà eu un impact énorme, octroyant des droits fonciers à plus de 50.000 ménages.

Le projet dans la pratique

L’OLHM implique des enquêtes démographiques et géographiques complètes de chaque bidonville afin de définir les résidents éligibles pour des droits fonciers et d’organiser le redéveloppement et la rénovation de l’infrastructure.

Ce travail est réalisé par le gouvernement en partenariat avec trois organismes techniques, 26 organisations communautaires et plus de 600 travailleurs de terrain. Le gouvernement travaille également en partenariat avec Tata Trusts, une organisation philanthropique nationale qui fournit une aide technique pour le projet et qui introduit des bonnes pratiques mondiales au processus.

Les communautés sont impliquées dans la cartographie des bidonvilles, réalisant des enquêtes de porte-à-porte, numérotant les logements et participant aux décisions locales. Des associations de résidents de bidonvilles sont créées dans chaque région du projet, posant ainsi les bases du renforcement des compétences des communautés à long terme. Ces associations sont impliquées dans l’ensemble du processus pour garantir l’accès local à la propriété et sont impliquées dans l’octroi des titres de propriété au sein des communautés.

Des équipes de terrain, composées d’un chef de terrain et de cinq collecteurs de données par quartier, collectent des données pour 200 à 250 ménages par jour en utilisant des applications SIG (systèmes d’information géographique). Les collecteurs de données sont des résidents de bidonvilles, qui utilisent leur position de confiance en tant que locaux pour accélérer le processus et garantir leur légitimité. Les associations de résidents de bidonvilles sont chargées de résoudre les conflits entre les résidents, préparer les listes des bénéficiaires éligibles et créer un nouveau plan d’aménagement des bidonvilles avec l’aide des organisations communautaires.

Le projet utilise en outre une technologie avancée pour accélérer le processus d’enquête. Des drones sont utilisés pour réaliser des cartes en haute résolution des bidonvilles, qui sont intégrées avec des données SIG pour créer une vue d’ensemble de la communauté. Les données sur ces ménages sont ensuite ajoutées par les organisations communautaires en utilisant les smartphones et les tablettes. La base de données offre un aperçu unique de l’urbanisme d’Odisha.

Les résidents sont jugés éligibles pour des droits fonciers s’ils occupaient les terres d’un bidonville le 10 août 2017 (la date de notification de la Loi). Tout document émis par le gouvernement, ou par une agence gouvernementale, est considéré comme une preuve de résidence. Chaque ménage éligible reçoit un Certificat d’occupation d’un terrain de 30 mètres carrés. Ce certificat est gratuit et permet à la famille d’accéder aux allocations publiques de logement, soit des allocations allant jusqu’à 200.000 roupies (2.900 dollars) pour construire une maison permanente. Le Certificat d’occupation est héritable mais pas transférable, ce qui empêche les bénéficiaires de vendre le terrain, ce qui a posé problème dans d’autres pays où des droits fonciers ont été octroyés à des résidents de bidonvilles.

Durant ce processus, certaines terres de bidonvilles ont été reclassées de « intenables » à « tenables », permettant aux personnes qui y vivent d’accéder à des droits fonciers. Toutefois, les enquêtes ont permis d’identifier 1.452 bidonvilles intenables sur un totale de 2.919 bidonvilles, ce qui implique qu’il a fallu trouver de nouveaux endroits avec le consentement des résidents.

Le coût total du projet est d’environ 120.810.650 dollars. Il est principalement financé par le ministère du Logement et de l’Urbanisme de l’État d’Odisha, avec une contribution de 6.115.578 dollars de Tata Trust. Le gouvernement de l’État a fourni une subvention supplémentaire de 14.576.500 dollars pour les budgets 2018/19 et 2019/20.

Impact social et environnemental

L’OLHM aide les communautés à prendre leurs propres décisions et à améliorer leurs conditions de vie. Plus de 51.000 familles ont déjà reçu des certificats de droits fonciers, éliminant leur crainte d’expulsion et leur fournissant une preuve de résidence nécessaire pour accéder à d’autres allocations et subventions.

Le projet offre aux femmes les mêmes droits via un accès conjoint à la propriété des terres et via leur participation active dans ce processus. Les associations de résidents de bidonvilles sont encouragées à avoir au moins une moitié de femmes parmi leurs membres et de donner la priorité aux personnes handicapées, aux familles dirigées par des femmes et aux personnes transgenres.

Le projet progresse rapidement. Au cours des 18 premiers mois, 1.725 bidonvilles ont été cartographiés, 1.725 associations de résidents de bidonvilles ont été créées, 147.000 ménages ont été enquêtés, 51.041 droits fonciers ont été octroyés et 15.000 maisons ont été construites.

Lorsque le projet sera mis en œuvre dans l’ensemble de l’État, l’OLHM aura octroyé des droits fonciers à 206.000 familles dans 1.725 bidonvilles, bénéficiant à 1 million de personnes. Des complexes de logements abordables construits sur des terres publiques offriront une protection contre des possibles expulsions à 196.000 nouvelles familles (0,8 million de personnes) dans 1.194 bidonvilles. Le renforcement des capacités permettra d’améliorer les conditions de vie de ces 1,8 million de personnes.

Le développement de l’infrastructure publique (routes, drains, canalisations, installations sanitaires, toilettes individuelles et communes (éliminant la défécation en plein air), lampadaires) contribue à améliorer la santé et la sécurité des résidents.

Des services tels que la gestion des déchets solides, incluant le nettoyage des rues, l’assainissement des canaux, et la collecte, le transport et l’élimination des déchets, sont fournis dans les bidonvilles. Cela a un impact positif sur la santé des résidents et sur l’environnement. En outre, des lampadaires écologiques LED sont installés dans toutes les villes d’Odisha (incluant les bidonvilles), ce qui permet d’engendrer des économies énergétiques et qui contribue à la réduction des émissions de CO2.

Le futur

Si la date butoir 2021-2023 pour la fin du projet est dépassée, le programme se poursuivra jusqu’à l’atteinte de tous les objectifs. Entre-temps, d’autres États et territoires, comme Delhi, étudient la possibilité de mettre en œuvre des projets similaires d’octroi de droits fonciers aux résidents de bidonvilles, et un document de 92 pages présentant les grandes étapes du projet a été rédigé pour encourager le transfert du programme.

Pour les dizaines de millions de personnes vivant dans les bidonvilles en Inde, une solution au problème croissant de la pauvreté urbaine serait plus que bienvenue. Avec l’OLHM, Odisha a montré qu’il avait peut-être la réponse à ce problème.

Le résumé complet du projet est accessible ici – disponible en anglais uniquement