Beaver Barracks est un projet de logements abordables et durables sur le plan écologique dans le centre d’Ottawa, sur une friche industrielle. Ce projet a été élaboré en 2007 par la Centretown Citizens Ottawa Corporation (CCOC), à la demande de la Ville d’Ottawa via le programme de la ville d’Ottawa pour augmenter l’offre de logements abordables pour les ménages à bas revenus à Ottawa. Ce programme est destiné à faciliter le développement de communautés à revenus mixtes gérées de façon adéquate et conçues pour garantir l’intégration dans le voisinage. Le projet Beaver Barracks intègre de façon innovante un modèle de logement mixte avec des constructions respectueuses de l’environnement. En réalité, il s’agit d’un des développements de logements locatifs les plus durables d’Ottawa, tant au niveau de la conception qu’au niveau du mode de vie. Le développement est mixte en termes de revenus (avec des loyers au prix du marché, en dessous du prix du marché ou largement subventionnés) et en termes de conditions d’accès, d’âge et de composition des ménages.

 

Description du projet

Objectifs

La CCOC est une société à but non lucratif du secteur privé gérée par la communauté dont la mission est de construire et de promouvoir des logements pour les personnes à revenus faibles et modestes. Il s’agit d’un des plus grands fournisseurs de logements abordables au Canada. En 2007, la CCOC a remporté un appel à propositions de la ville d’Ottawa pour développer le site de Beaver Barracks (ancien site militaire), qui est le plus grand projet durable de la CCOC à ce jour. Beaver Barracks vise à augmenter l’offre de logements abordables et durables dans le centre-ville d’Ottawa et démontrer que les constructions écoénergétiques peuvent être accessibles et abordables.

Contexte

Les principaux problèmes rencontrés dans le centre-ville d’Ottawa avant la rénovation des Beaver Barracks étaient similaires à ceux rencontrés dans de nombreuses autres villes nord-américaines : la grande majorité des nouvelles constructions résidentielles sont des copropriétés privées, inabordables pour les ménages à bas revenus toujours plus nombreux. L’ancien parc de locations privées est délabré, fournissant des logements de mauvaise qualité, et risque d’être transformé ou rénové. Il est surtout marqué par un manque de logements abordables pour les familles, les personnes âgées vivant seules et les personnes qui ont des besoins en matière d’accessibilité.

Lors de la demande de rénovation des Beaver Barracks, il y avait environ 10 000 ménages sur la liste d’attente de la municipalité d’Ottawa pour des logements sociaux. La pénurie de logements concernait tant les logements pour célibataires que les maisons familiales. Il était nécessaire de développer des locations abordables qui régénèreraient le site existant, amélioreraient la qualité de vie de leurs locataires et maintiendraient les familles dans le centre-ville. La région dans laquelle se trouve le site avait été sur le déclin tout au long des années 1980 et 1990 car le développement résidentiel et commercial stagnait et les aires de parking proliféraient. La construction massive de copropriétés au cours des 10 dernières années a menacé la mixité de revenus dans le quartier, érodant le tissu social existant à cause de la gentrification.

Principales caractéristiques

Beaver Barracks est un grand projet de développement de logements dans le centre-ville d’Ottawa, sur une friche industrielle, où étaient autrefois érigées des casernes militaires de la Seconde Guerre mondiale, et qui a été vendue par le gouvernement fédéral à la municipalité d’Ottawa au début des années 1990. Ce terrain était destiné à des logements locatifs à loyer maîtrisé et était le premier site à être développé lorsqu’un programme de logements abordables cofinancé par le gouvernement a été rétabli.

Ce projet englobe 254 logements dans cinq bâtiments, proposant des loyers fixés en fonction de la valeur du marché, proportionnés au revenu et largement subventionnés pour des personnes disposant de différents revenus. Ces logements vont du simple studio à la maison en rangée de trois chambres, pour des célibataires et des familles, notamment pour les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite. Il y a également un rez-de-chaussée commercial dans deux bâtiments ainsi que des salles de réunion pour les groupes communautaires. Les locataires bénéficiant de loyers subventionnés sont issus de la liste d’attente de la municipalité. Les logements dont les loyers sont fixés en fonction de la valeur du marché sont attribués aux premiers arrivés. Les loyers ne peuvent dépasser le loyer moyen du quartier. Il s’agit pratiquement des seuls bâtiments proposant des logements abordables à Ottawa à cause des pressions liées à la gentrification pour construire des copropriétés plus rentables.

Lors de la phase de conception, des « charrettes » de conception intégrée ont permis d’inciter les collectivités et les professionnels du bâtiment à réfléchir de façon positive et innovante à la conception et à la construction des immeubles.

Plaçant l’accent sur le développement durable, ce projet inclut des installations de chauffage/climatisation géothermiques, des toits « verts », des jardins communautaires dirigés par les locataires et une enveloppe écoénergétique des bâtiments incluant des fenêtres à triple vitrage. Beaver Barracks est également accessible aux personnes en fauteuil roulant et il est interdit de fumer dans les bâtiments, les résidents s’engageant dans leur bail à ne pas fumer dans leur appartement ou sur la propriété. Un traitement responsable des déchets (postes de recyclage et collecte des matières organiques) est encouragé avec l’absence de vide-ordures afin de trier tous les déchets dans une pièce commune. Les locataires sont activement impliqués et s’engagent à apporter quelques modifications à leur mode de vie pour réduire leurs empreintes écologiques (même si ces engagements ne sont pas juridiquement contraignants).

Quinze pour cent de l’ensemble des appartements sont réservés aux locataires qui bénéficient d’une aide quotidienne supplémentaire, et la CCOC établit des partenariats avec différentes organisations afin de fournir l’aide nécessaire aux locataires concernés, s’agissant notamment de personnes souffrant de handicaps intellectuels et physiques ou de troubles mentaux, ou qui ont été récemment confrontés à des situations de sans-abrisme. Il y a 25 logements accessibles aux personnes en fauteuil roulant, et plus de 90 pour cent des autres logements sont de type « visitable » pour les personnes en fauteuil roulant.

Coûts

  • Le budget total pour le développement du projet était de 60 millions de dollars. La CCOC a utilisé des fonds publics et privés, incluant des fonds propres de la CCOC (trois pour cent), des subventions publiques (35 pour cent) et des prêts hypothécaires (62 pour cent). Plus de 70 pour cent des revenus du projet proviennent des revenus de location, soit des locataires (42 pour cent) soit des subventions locatives payées par la municipalité (30 pour cent). Les autres revenus proviennent d’une petite subvention hypothécaire de la Province d’Ontario (16 pour cent) et de la facturation de prestations de services (12 pour cent).
  • Plus de 80 pour cent des recettes totales de la CCOC proviennent des loyers (payés par les locataires mêmes ou par le gouvernement), 13 pour cent proviennent des subventions publiques et le reste provient de divers revenus comme le parking, la blanchisserie et les loyers commerciaux.

Impact

Bien que ce projet ne soit terminé que depuis peu, on remarque déjà un changement important dans le quartier. Pendant 15 ans, ce site était inoccupé et particulièrement hideux. Avec 254 ménages dont plus de 100 ans, le projet a redynamisé le quartier. Des écoles locales et des centres d’accueil qui luttaient pour trouver suffisamment de personnes ont une nouvelle source permanente de familles et d’enfants qui utilisent les services disponibles.

La CCOC collabore avec la municipalité d’Ottawa pour développer des modèles financiers et des tableaux de projection qui aideront la municipalité et d’autres fournisseurs locaux de logements à prévoir la construction de nouveaux logements abordables.

 

Aspects innovants

  • Intégration d’un modèle de logement mixte avec des constructions écoénergétiques.
  • La proposition de loyers fixés en fonction de la valeur du marché, proportionnés au revenu ou largement subventionnés au sein d’un même projet.
  • Les sites et les bâtiments ont une empreinte écologique réduite, grâce aux technologies et matériaux utilisés et à l’engagement actif des résidents dans ce processus.
  • Le recyclage des déchets par les résidents est innovant dans le contexte canadien.

 

Quel est l’impact sur l’environnement ?

Beaver Barracks est un des projets de logement les plus durables d’Ottawa tant au niveau de la conception qu’au niveau du mode de vie.

Parmi les caractéristiques écoénergétiques, on retrouve :

  • Un système de chauffage/ventilation géothermique, un mécanisme de ventilation qui récupère l’énergie, une enveloppe du bâtiment étanche à l’air, et des fenêtres à triple vitrage qui garantissent une utilisation de 40 pour cent en moins d’énergie que les bâtiments comparables.
  • Le traitement des déchets est encouragé par l’absence de vide-ordures et l’utilisation d’un espace commun de tri pour les déchets, les matériaux recyclables et les déchets organiques.
  • Des machines à laver écoénergétiques, une robinetterie à faible débit et un aménagement paysager avec des matériaux inertes pour économiser de l’eau.
  • L’enveloppe des bâtiments et le sol incluent 40 pour cent de matériaux recyclés, et du bois de récupération a été utilisé pour les détails architecturaux dans les espaces communs.
  • Promouvoir un mode de vie durable : Tous les locataires s’engagent à apporter des modifications à leur mode de vie pour réduire leurs empreintes écologiques. Lors du renouvellement annuel de leur bail, les locataires reçoivent un résumé de leurs engagements de l’année passée et un calcul de la réduction de leur empreinte carbone grâce à leurs comportements écologiques. Chaque bâtiment dispose de panneaux dans les espaces communs qui encouragent des comportements plus écoresponsables.
  • La CCOC dirige une équipe écolo dirigée par les locataires qui organisent des ateliers pour sensibiliser les autres locataires aux mesures qu’ils peuvent adopter pour vivre de façon plus écoresponsable, comme cultiver la terre des jardins communautaires et fournir des formations sur la récolte de fruits.
  • La CCOC considère que les potagers sont un élément clé de la souveraineté alimentaire. L’été 2013 verra l’ouverture de jardins de la victoire, un jardin central qui inclura un jardin pour les enfants, un jardin accessible et un terrain pour les dons à la Banque alimentaire.
  • Plusieurs programmes locaux de sécurité alimentaire ont été développés, comme des guides favorisant l’achat de produits locaux pour tous les nouveaux locataires, avec des listes et plans de tous les producteurs locaux.

En outre, le projet a un impact environnemental plus large :

  • La rénovation d’un site industriel réduit la nécessité d’une extension urbaine et la destruction d’habitats naturels.
  • La situation centrale du site permet aux locataires de se rendre à pied dans les magasins locaux ou utiliser leurs vélos, prendre les transports en commun ou participer à un programme de covoiturage proposé sur place. Des stationnements pour vélos intérieurs sécurisés sont fournis sur place. Un parking est disponible pour moins de 40 pour cent des logements.

 

Le projet est-il viable sur le plan financier ?

  • Le travail initial s’est fondé sur des subventions accordées par le gouvernement. Toutefois, un audit indépendant de la municipalité d’Ottawa a démontré que le projet pourrait générer un petit bonus après les cinq à 10 premières années.
  • Bien que le projet n’ait pas été conçu dans le cadre du développement économique communautaire, le fait de disposer d’un logement abordable permet aux résidents de vivre de façon autonome et ouvre les portes à l’éducation, l’emploi et la formation.
  • Le projet fournit des locations de qualité à de nombreux ménages qui ne pourraient en d’autres temps pas se permettre de tels logements. Quelques 45 pour cent des locataires paient des loyers proportionnés à leurs revenus (30 pour cent des revenus bruts du ménage) ; 15 pour cent des locataires paient des loyers inférieurs au prix du marché (70 pour cent du loyer) et 40 pour cent des locataires ne paient pas plus que le loyer moyen du marché pour le quartier, ce qui revient à un loyer nettement inférieur aux loyers pour les nouveaux appartements en copropriété.

 

Quel est son impact social ?

Coopération communautaire et intégration sociale :

  • Le fait d’ajouter des espaces extérieurs comme des balcons, des toits ou des terrasses permet d’augmenter les espaces de vie et de fournir des lieux naturels de rencontre entre voisins.
  • Les jardins et potagers sont des sujets faciles de discussion, que la CCOC facilite en distribuant des fleurs, légumes et plantes aux locataires, et en créant des jardins dirigés par les locataires.
  • Lorsque les locataires ont commencé à se connaître, ils ont organisé des repas tous ensemble, des soirées jeux et des activités pour les enfants. Ils ont également collaboré sur des problèmes communautaires comme la lutte pour restaurer un parc de quartier après que celui-ci a été transformé en aire de parking.

Renforcement des compétences et implication des résidents :

  • La CCOC a développé des partenariats avec différents groupes communautaires afin de permettre aux locataires d’acquérir de nouvelles compétences. Parmi les activités figurent des ateliers de cuisine, de mise en conserve et de tricot, ainsi que des ateliers sur la conservation des semences, le jardinage biologique, et le contrôle des pesticides.
  • En plus de participer à la gouvernance de la CCOC, les locataires sont encouragés à s’impliquer dans la construction au niveau pratique, en profitant des programmes promouvant l’éducation écologique, le jardinage, le compostage et la participation à des initiatives de traitement des déchets.
  • D’autres opportunités d’engagement social ont été promues, comme l’École d’Art d’Ottawa (qui offre des bourses aux locataires pour les cours d’art), YMCA-YWCA (qui offre une réduction de cotisations pour les programmes récréatifs).

Lutter contre les inégalités sociales :

  • Tous les appartements sont de la même qualité, que les loyers soient conformes au prix du marché ou qu’ils soient subventionnés.
  • La CCOC essaie toujours de répondre aux besoins de logement des personnes qui souffrent de problèmes rendant leur logement plus difficile ou précaire, comme des troubles mentaux, des problèmes d’addiction et des handicaps physiques.
  • Un jardin communautaire accessible aux personnes à mobilité réduite a été conçu en collaboration avec les locataires de l’organisme qui fournit un accompagnement aux personnes souffrant de handicaps physiques complexes.

 

Obstacles

  • Étant donné que ce projet a représenté une hausse de 20 pour cent du portefeuille de la CCOC, l’organisation a constaté une hausse proportionnelle du personnel, des nouveaux locataires, et des nouvelles technologies sur une courte période. La CCOC a dû gérer cette transition ainsi que l’intégration des nouveaux membres du personnel.
  • Il s’agit du premier immeuble résidentiel à logements multiples à Ottawa où il est interdit de fumer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. La CCOC a dû émettre des avis d’expulsion pour quelques locataires qui enfreignaient cette politique, mais dans tous les cas les locataires ont modifié leur comportement et personne n’a été exclu.
  • Il y a eu une augmentation importante au niveau du coût des matériaux de construction qui a menacé la viabilité financière et l’accessibilité financière du projet. La CCOC a appris qu’il était nécessaire de réaliser une analyse minutieuse des risques lorsque l’on développe un projet aussi coûteux afin d’adapter le budget en conséquence.

 

Leçons retenues

  • Les logements accessibles aux personnes à mobilité réduite ont dû être adaptés afin de répondre aux inquiétudes des résidents. La CCOC a réalisé après la première phase que les locataires à mobilité réduite devaient être logées de façon à répondre à leurs besoins individuels et l’organisation a révisé la conception des logements accessibles aux personnes à mobilité réduite lors de la deuxième phase.
  • La CCOC a investi beaucoup d’argent dans la technologie géothermique. Bien que cette technologie soit innovante, elle est coûteuse et complexe, engendrant une hausse des coûts d’exploitation. Par conséquent, la CCOC placera l’accent sur la conception passive afin de diminuer l’empreinte écologique d’un bâtiment au lieu des technologies actives comme la technologie géothermique.

 

Évaluation

La CCOC suit plusieurs indicateurs de performance environnementale et sociale, comme la consommation d’énergie et le traitement des déchets, ainsi que le respect par les locataires de leurs engagements écologiques. Des données sont actuellement collectées sur les déchets solides, l’utilisation d’énergie et la consommation d’électricité pour définir s’il est possible de réaliser les économies d’énergie escomptées.

 

Transfert

  • Beaver Barracks servira de modèle pour les futurs projets de logements abordables de la CCOC et a servi de pilote pour de nombreux outils de « comportement écoresponsable » tels que les groupes de travail de locataires, les panneaux écologiques, la politique d’interdiction de fumer, le traitement des déchets, les jardins communautaires, les aires de stationnement pour vélos et le covoiturage.
  • Un des partenaires de la CCOC a utilisé son expérience acquise lors de son implication dans le projet Beaver Barracks pour adopter des comportements écologiques dans ses autres propriétés.