La Coopérative d’habitation Ludwig-Frank est un exemple remarquable et innovant de transformation d’un quartier résidentiel délabré, logeant une population multiculturelle venant de 15 pays différents, en un quartier attirant et habitable grâce à l’entraide et la solidarité de la coopérative. Le projet démontre que la réhabilitation d’un quartier ne se limite pas à de simples améliorations techniques, mais nécessite en outre un développement social et culturel.

Les résidents des 400 logements des immeubles délabrés se sont rassemblés pour essayer de convaincre le conseil municipal d’abandonner son projet de démolir et de reconstruire les immeubles car ce projet augmenterait sensiblement les loyers et était considéré comme un gaspillage de ressources car il ne créerait pas de logements supplémentaires.

Différentes réunions ont été organisées avec les résidents pour établir les principes coopératifs d’entraide, d’autogestion et de solidarité, et en février 1990 une coopérative d’habitation a été créée. Contrairement aux attentes officielles, les résidents étaient prêts à participer financièrement à la coopérative via l’achat de parts ainsi qu’une main-d’œuvre bénévole. À la fin de l’année 1992, 392 des 400 résidents étaient membres de la coopérative. Les huit ménages restants ont participé au travail avec les autres résidents mais ne souhaitaient pas devenir officiellement membres de la coopérative.

La création d’une coopérative d’habitation était considérée comme un pas en avant, permettant aux résidents d’être responsables de l’amélioration progressive de la qualité des logements en utilisant les revenus locatifs.

Les 400 logements étaient situés dans dix immeubles de cinq étages. Des améliorations ont été réalisées dans les logements, notamment pour améliorer leur efficacité énergétique. Le simple vitrage a été remplacé par du double vitrage, et des volets roulants et des rebords intérieurs et extérieurs de fenêtres ont été fournis. Une isolation thermique complète et des revêtements ont complété les travaux d’isolation. Des installations sanitaires telles que des systèmes d’adduction et d’évacuation ont été remplacées, et un chauffage central a été installé, lié au système de chauffage municipal. Des nouvelles portes d’entrées, des nouveaux escaliers, des nouvelles boîtes aux lettres et des nouveaux balcons ont également amélioré la qualité de vie des résidents.

De nombreux travaux ont également été réalisés pour améliorer l’environnement dans la région, comme l’enlèvement de 800 tonnes d’asphalte et de déchets par des ingénieurs militaires allemands et américains en vue de créer un nouvel espace vert dans le centre du quartier. Les matériaux enlevés ont été recyclés et réutilisés pour la construction de nouvelles routes. Les travaux ont été terminés vers la fin de l’année 1993, bien plut tôt que prévu. Les travaux devaient durer cinq ans, mais les résidents ont mis la pression pour terminer les travaux le plus rapidement possible.

La coopérative a réussi à rénover les logements pour un coût de 35.000 DM (20.000 dollars) par logement. Cela aurait coûté quatre fois plus cher de les démolir pour les reconstruire, avec des implications évidentes au niveau des loyers. Après des débats politiques, il a été décidé de ne pas démolir les logements et que les autorités municipales accordent une subvention de 12.500 DM par logement, bien loin du coût des nouvelles constructions, estimé à 80-100.000 DM par logement.

L’autofinancement a également joué un rôle important dans le projet, malgré l’aide financière de fonds publics et européens. Une réserve de 517.617 DM a été générée en plus du coût de 14.000.000 DM de la rénovation des logements.

La coopérative mobilise également des capitaux privés pour la rénovation des logements. La coopérative compte à présent 600 membres. Parmi ceux-ci, environ 120 sont des personnes ou des sociétés qui soutiennent la coopérative sans disposer de logement. Leurs parts représentent 375.000 DM (deux pour cent des parts totales). Environ 1.450.000 DM ont été levés à ce jour, soit une balance de crédit de près de 2.240 DM par membre non-promotionnel. Ceci est un véritable exploit dans la mesure où de nombreux membres rencontrent des difficultés pour trouver l’argent nécessaire pour améliorer leurs logements après le paiement de leur loyer. Cet argent est utilisé pour l’entretien et la rénovation des logements. Bien que les loyers aient augmenté depuis la modernisation des logements, cette hausse s’est avérée modeste par rapport à la hausse qui aurait été imposée si les logements avaient été détruits pour ensuite être reconstruits, et elle a été discutée avec tous les membres de la coopérative. En 1993, les loyers étaient de 4,5 DM par m2 par mois, alors qu’ils étaient de 8 DM pour les nouveaux logements sociaux de Mannheim. Une des solutions pour maintenir les coûts assez bas était d’imposer la décoration intérieure des logements aux résidents. Les résidents devaient payer ces travaux individuellement ou avec l’aide leurs voisins.

Même si l’autorité municipale de logement a gardé le droit d’allouer la moitié des locations, il y a eu peu de changement dans la structure ethnique des logements. Certains logements qui étaient auparavant inoccupés étaient ensuite occupés par des familles qui vivaient avec des proches dans les logements habitables des immeubles, gardant un sentiment de communauté et de solidarité. Aucun problème n’a été signalé entre des Serbes et des Croates, ou entre des Kurdes et des Turcs. La paix est continuellement promue via des actions conjointes dans les différentes activités et dans la vie quotidienne de la coopérative.

La priorité a été placée sur la fourniture d’un centre communautaire pour les activités sociales et communautaires. Ce centre dispose de travailleurs rémunérés et de travailleurs bénévoles qui fournissent des formations, comme des cours de langue pour les différentes nationalités logées dans le projet.

Les programmes disponibles pour les résidents incluent :

  • Un service de garde de jeunes enfants.
  • Des cours d’allemand pour les femmes étrangères.
  • Des cours de couture avec des cours d’allemand.
  • Des cours durant le week-end, incluant la peinture sur soie.
  • Une aide aux devoirs trois fois par semaine, pour mieux préparer les enfants à leurs cours.
  • Des activités pour les enfants.
  • Du tennis de table pour les jeunes.
  • Des pièces de théâtre.

En outre, les facilités sont utilisées pour l’organisation des réunions hebdomadaires des résidents et pour des événements sociaux de la communauté. Les cours d’allemand devraient permettre aux enfants d’améliorer leurs résultats scolaires et diminuer la discrimination et les préjugés à l’encontre des résidents étrangers. Les résidents surmontent ainsi leur isolement, acquérant davantage de confiance en eux, et commencent à participer à la coopérative et aux autres activités locales.

Un accent spécifique est placé sur l’éducation des femmes et l’accompagnement des enfants, tant pour les enfants en bas âge que pour les enfants qui entrent à l’école, en vue de leur permettre de surmonter la barrière de la langue et de ne pas être défavorisés dès leur plus jeune âge. La supervision des devoirs est fournie à 38 enfants. Tous les services sont fournis gratuitement aux résidents. Un comité est chargé d’obtenir des dons de sociétés locales et d’autres organisations, en plus des cotisations des membres qui sont utilisées pour financer ces cours et ces événements. En plus de travailler dans le centre communautaire, les bénévoles entretiennent la communauté, ce qui permet aux membres de la coopérative d’économiser des coûts d’entretien.

Le projet a reçu la visite de nombreuses organisations de logement européennes et a attiré l’attention de nombreux médias, tant sur le plan national que sur le plan international. L’aspect du projet qui est considéré comme particulièrement important est le travail réalisé pour intégrer 15 groupes ethniques différents et promouvoir la tolérance dans le voisinage. Le travail de la coopérative est considéré comme une lutte contre la xénophobie en Allemagne. En améliorant les conditions économiques, culturelles, sociales et politiques, la coopérative renforce la tolérance dans le quartier. Des projets d’entraide encouragent les personnes de différentes origines à vivre ensemble et en paix dans la société en proposant des programmes culturels qui favorisent l’intégration et la compréhension.

Partenariat

ONG, communauté locale, gouvernement local, bailleurs