Les communautés indigènes de la région de Sierra Norte de Puebla au Mexique vivent dans des conditions extrêmes de pauvreté, dans des maisons qui sont inadéquates pour protéger les résidents des fortes pluies. Le projet s’est concentré sur le droit au logement adéquat pour ces communautés. Il fournissait une aide sociale et technique, et facilitait l’accès à des fonds sur base de financements sociaux et de subventions publiques pour acheter des matériaux, permettant aux locaux de construire leurs propres logements en utilisant des méthodes traditionnelles de construction ainsi que des matériaux locaux.

 

Description du projet

Quels sont ses objectifs ?

Le projet Construction de logements par les indigènes a été développé en 2009 par CIUDEMAC en collaboration avec COPEVI. Le projet est orienté vers la communauté et se concentre sur la garantie du droit à un logement adéquat, abordable et écologique pour les familles indigènes à bas revenus dans les régions rurales, tout en préservant la culture traditionnelle et les méthodes traditionnelles de construction.

Dans quel contexte opère-t-il ?

Les communautés indigènes de la région de Sierra Norte de Puebla au Mexique vivent dans des conditions de pauvreté extrême, d’inégalité et d’exclusion sociale. Plus de 20 pour cent de la population vit dans des maisons avec des sols en terre et des toits composés de tôles ondulées, bois, carton ou étain, sans accès à l’infrastructure et aux services publics, et souvent situées dans des zones à hauts risques et vulnérables aux fortes pluies. L’accès difficile aux subventions publiques oblige souvent les familles à contracter des crédits auprès des institutions financières, ce qui n’est pas viable avec de tels niveaux de pauvreté et d’exclusion. Ces crédits sont inaccessibles ou engendrent des situations d’endettement extrême pour les ménages. Le projet cherche à améliorer les conditions de vie et propose une approche alternative, durable et axée sur les personnes.

Les politiques publiques paternalistes du gouvernement mexicain ont engendré une culture de dépendance dans de nombreuses communautés. COPEVI et CIUDEMAC ont collaboré pour sensibiliser le public, développer un sentiment d’engagement et encourager l’autogestion et l’autonomie.

Les politiques publiques au Mexique ne prennent généralement pas en considération les besoins spécifiques de logement des groupes indigènes ou des communautés qui vivent dans les régions rurales. COPEVI et le Réseau sur la production sociale de logements ont collaboré pour répondre à ces besoins et pousser le gouvernement à reconnaître que le logement rural des indigènes possède des aspects spécifiques qui diffèrent des problèmes liés au logement urbain.
Le projet a été mis en œuvre dans le cadre de la Loi nationale sur le logement de 2006, qui reconnaît officiellement les processus de logement dirigés par les individus (« production sociale de logement »), à la suite d’un travail de longue haleine des organisations de terrain, des ONG et d’autres associations.

Quelles sont les principales caractéristiques du projet ?

Le projet a développé une approche globale, orientée communauté et basée sur les droits. Les partenariats entre les organisations, les financements innovants et l’accent sur la culture locale, les méthodes traditionnelles de construction et la durabilité environnementale sont essentiels.

Dirigé par COPEVI, le projet a bénéficié de plusieurs partenariats entre différentes organisations.
CIUDEMAC et ses membres ont joué un rôle central, notamment au niveau de la sélection des familles participantes, du suivi du travail de terrain, des communications et du renforcement des capacités locales. Le partenariat a permis à CIUDEMAC d’acquérir des connaissances et de l’expérience au niveau de la gestion de projet, de la construction, du lobbying et de la prise collective de décisions, et de transférer ces connaissances à ses membres.

Une aide technique a été fournie par les architectes du COPEVI qui ont été formés sur l’utilisation de matériaux locaux grâce à un partenariat avec Mesoamerikaab (une plateforme régionale qui encourage l’utilisation de matériaux locaux de construction).
L’agence allemande de développement Misereor a encouragé le lancement de cette initiative et a permis au projet de travailler avec des spécialistes de la construction en terre. Cela a permis de mettre en œuvre des procédés traditionnels de construction basés sur la terre. Misereor a également fourni des fonds au COPEVI.

La CONAVI a fourni des subventions publiques pour le projet grâce à son programme d’aide au logement pour les logements communautaires. Un mécanisme innovant de financement a été développé par le biais d’un partenariat entre COPEVI et l’ONG locale Pobladores, qui combine des subventions publiques et des « crédits sociaux » (contributions en nature comme des matériaux de construction et la main-d’œuvre des familles participantes).

En vue d’augmenter l’impact du projet, le réseau sur la production sociale de logements, composé d’organisations non-gouvernementales et d’associations, dont COPEVI est membre, a été impliqué dans les politiques et dans le lobbying visant à augmenter les fonds.

La réduction au maximum de l’empreinte écologique, en utilisant des matériaux de construction écologiques et en préservant les méthodes traditionnelles de construction des indigènes, est un élément essentiel du projet. Des matériaux locaux faibles en énergie grise comme la terre, l’eau, la pierre, le bois, le sable et le gravier ont été utilisés pour la construction de logements, des petites quantités de fer et de ciment étant utilisées lorsque cela s’avérait nécessaire. COPEVI et CIUDEMAC ont collaboré pour sensibiliser les communautés participantes sur des méthodes de construction durables, et le projet a encouragé les familles qui auraient peut-être préféré utiliser des matériaux industriels de construction à favoriser les constructions en terre.

Comment est-il financé ?

Le coût total du projet s’est élevé à 2,63 millions de dollars, dont 50,5 pour cent ont été fournis par la Commission nationale mexicaine du logement (CONAVI), par le biais de son programme de subventions pour la construction de logements communautaires, les 49,5 pour cent restants provenant du « financement social », à savoir des contributions en nature de matériaux de construction et de la main-d’œuvre des familles participantes. Une aide technique a été fournie par COPEVI, assortie d’une aide financière et technique de l’agence internationale allemande de développement Misereor.

Chaque maison de 60m² coûte, en moyenne, 6 150 dollars. Les résidents sont chargés de l’entretien de leur logement, et chaque ménage a contribué à hauteur de 77 dollars versés dans un fonds commun qui s’élève maintenant à 34 000 dollars.

Quel est son impact ?

Le projet a été lancé en 2009 avec la construction de ses 20 premières maisons, alors que 428 maisons ont été construites à ce jour. Une stratégie globale de développement communautaire a été développée en 2011, et le projet est actuellement en phase de transfert vers d’autres communautés.

CIUDEMAC développe actuellement un partenariat avec la coopérative Tosepantomin afin d’étendre cette approche, et collabore avec COPEVI et d’autres organisations et réseaux en vue d’influencer les politiques publiques et améliorer l’accès au logement décent.

Les principaux bénéficiaires du projet sont 16 communautés indigènes à bas revenus qui vivent dans des zones rurales des municipalités de Zacatlán, Tetela de Ocampo et Tepetzintla dans la région de Sierra Norte de Puebla au Mexique.
En plus de soutenir la génération de revenus et le développement économique local, le projet visait à développer le leadership local et des structures de décisions communautaires, tant au sein des différentes communautés qu’entre les 16 communautés participantes.

Le projet est venu en aide à environ 3 000 personnes (22 pour cent de la population totale de la région) grâce à l’amélioration des habitats au cours des cinq dernières années. Le projet devrait maintenant s’étendre à d’autres régions.
Parmi les impacts positifs pour les communautés, on retrouve l’amélioration des conditions de logement et des lieux de vie, l’amélioration de la qualité de l’air et la protection contre les fortes pluies qui sévissent dans la région. Les résidents parlent de l’émotion ressentie de voir leurs rêves se réaliser, du sentiment de sécurité et de leur satisfaction de leurs nouveaux logements.

Le processus d’entraide au niveau de la construction a rapproché les voisins. En outre, l’utilisation de matériaux locaux de construction est appréciée. Le dialogue entre les différentes générations de constructeurs a contribué au maintien de techniques traditionnelles de construction, notamment au niveau de l’utilisation de la terre. Les maisons sont plus grandes et de meilleure qualité que les logements traditionnels construits par les sociétés de construction.

COPEVI et le réseau sur la « production sociale de logement », composé d’organisations non gouvernementales et d’associations, ont collaboré pour influencer les politiques publiques et augmenter les fonds publics disponibles.

Ensemble, ils ont réussi à obtenir une reconnaissance au niveau politique de la valeur des programmes de financement non-traditionnels, comme les contributions en nature et en main-d’œuvre (« financement social »), et leur inclusion en tant que contrepartie des résidents à l’accès aux subventions en matière de logement. Dès lors, le logement est nettement plus abordable et accessible pour les personnes qu’il ne l’était avant le projet, car les résidents ont accès aux subventions sans devoir contracter de prêts coûteux qu’ils ne pourraient de toute façon pas rembourser. Les améliorations apportées par le projet permettent de générer des revenus et des opportunités d’emploi, et stimulent le développement économique local.

COPEVI transfère actuellement l’approche dans deux autres régions, Zoatecpan in Puebla, et la région de Mixteca Alta de Oaxaca, en travaillant avec des petits groupes de familles indigènes (incluant un groupe de femmes indigènes, avec une aide du gouvernement municipal). CIUDEMAC a une liste d’attente de 145 familles qui aimeraient réaliser des projets similaires.

L’approche a été adoptée par différentes organisations membres de la Red de Productores Sociales de Vivienda del Sureste (réseau de logement communautaire) et est sur le point d’être également transférée dans l’état d’Oaxaca par l’organisation CODEP, en adaptant le mécanisme de financement et en construisant 40 logements.

En 2011, le projet a été décrit comme un exemple de bonne pratique lors d’une réunion de haut niveau de la Commission nationale du logement (CONAVI) et de représentants du gouvernement. En 2012, il a reçu une mention spéciale dans un concours en Amérique latine pour des projets de logement qui favorisent le droit à la ville et la durabilité, organisé par la Coalition internationale de l’habitat, lors de la Conférence Rio+20 des Nations Unies sur le développement durable.

 

Aspects innovants

  • Une approche globale, dirigée vers la communauté et axée sur les droits, répondant aux besoins des publics les plus vulnérables via une approche holistique qui prend en compte des aspects sociaux, environnementaux, économiques et culturels.
  • Le mécanisme de financement qui est efficace pour les populations pauvres et qui offre une alternative aux approches publiques paternalistes traditionnelles, combinant des subventions publiques et sociales et valorisant la main-d’œuvre des résidents et les contributions en nature.
  • L’établissement d’alliances techniques et financières avec des partenaires clés (CIUDEMAC, CONAVI, Misereor).
  • La démonstration des résultats pratiques d’un cadre financier et juridique innovant (Loi sur le logement 2006, fonds PSV).

 

Quel est l’impact sur l’environnement ?

Un élément clé du projet est la minimisation de l’empreinte écologique, en utilisant des matériaux de construction écologiques et en maintenant les méthodes de construction traditionnelles des indigènes. Des matériaux locaux avec une faible énergie grise, comme la terre, l’eau, la pierre, le bois, le sable et le gravier, ont été utilisés pour la construction des logements, avec de faibles quantités de fer et de ciment lorsque cela s’avérait nécessaire. COPEVI et CIUDEMAC ont collaboré pour sensibiliser les communautés participantes sur des méthodes durables de construction, et le succès du projet a encouragé les familles qui auraient peut-être préféré des matériaux traditionnels/industriels de construction à se diriger vers une construction plus écologique.

Au fur et à mesure de l’avancée du projet, différentes technologies écologiques ont été développées et inclues dans la construction des maisons afin de garantir une utilisation plus appropriée des ressources énergétiques et hydriques. Au moins une technologie écologique doit être intégrée dans chaque nouvelle construction. Il peut s’agir de la récupération d’eau de pluie, des toilettes sèches et à compost ou de fours peu énergivores.

Une caractéristique essentielle de la culture locale est la préservation de la Mère Nature, et cela a orienté différents aspects du projet. Suite à la construction de logements, des groupes communautaires ont commencé à développer des plans pour des actions supplémentaires visant à améliorer leur environnement de vie, comme différents projets de reboisement.

 

Le projet est-il viable sur le plan financier ?

Le projet a permis à des familles d’accéder à des subventions publiques en matière de logement. S’il est possible que le cadre politique et les programmes de subvention évoluent dans le futur, les communautés et organisations participantes sont maintenant mieux équipées pour aborder les problèmes affectant leur droit à un logement adéquat et développer des solutions alternatives de financement.

Quel est son impact social ?

Le projet est dirigé par la communauté, et les résidents sont activement impliqués dans tous les aspects du processus, avec une participation aux trois niveaux suivants : le conseil d’administration, un organisme décisionnel composé de représentants de chacune des 16 communautés indigènes impliquées dans le projet ; les comités communautaires chargés du partage d’information, de la tenue des registres, de la convocation d’assemblées et de la définition des priorités clés ; et la participation de toutes les familles dans le processus de construction en soi, à travers des processus traditionnels d’aide mutuelle. Des formations ont été fournies par COPEVI et ses partenaires sur des aspects techniques, sociaux et juridiques. Au cours des cinq dernières années, CIUDEMAC a considérablement amélioré son leadership et ses structures organisationnelles, et travaille maintenant pour soutenir d’autres organisations.

Le processus d’aide mutuelle contribue à renforcer le sentiment d’appartenance, améliore l’estime de soi, fournit une plus grande sécurité et permet aux résidents de lutter contre d’autres problèmes auxquels ils pourraient être confrontés.

Le projet a généré de l’emploi au niveau local, la création de dix micro-entreprises et un fonds communautaire (avec une contribution de chaque ménage à hauteur de 77 dollars), et a soutenu l’économie locale grâce à l’achat de matériaux chez des fournisseurs locaux. CIUDEMAC a récemment travaillé avec des familles pour gérer des projets d’épargne commune, notamment pour la construction d’un centre destiné aux jeunes ou d’une cuisine communautaire.

Par le biais de ce projet, COPEVI a tenté de réduire les inégalités sociales existantes et améliorer les conditions de vie des groupes indigènes marginalisés. Les femmes ont joué un rôle majeur dans les processus de construction et de gouvernance, et quelques communautés participantes ont commencé à développer des programmes visant à renforcer les capacités des femmes et des jeunes.

Obstacles

  • Obstacle conceptuel : étant donné que les politiques publiques au Mexique ne prennent généralement pas en considération les besoins de logement spécifiques des groupes indigènes ou des communautés vivant dans les régions rurales, COPEVI et le réseau Production sociale de l’Habitat ont collaboré pour répondre à ces besoins et faire prendre conscience au gouvernement que le logement des indigènes et des populations rurales englobe certains aspects qui diffèrent du logement des populations urbaines.
  • Accès aux ressources publiques : il est très difficile pour les familles rurales à bas revenus d’accéder aux subventions publiques de logement car ces subventions sont généralement octroyées à de grandes organisations avec une forte influence politique ou requièrent des prêts qui sont inabordables et/ou inaccessibles pour les populations pauvres. En partenariat avec l’ONG locale Pobladores, COPEVI a tenté de faciliter l’accès aux allocations de logement existantes pour les familles participantes.
  • Obstacle culturel : les politiques publiques paternalistes au Mexique ont engendré une culture de dépendance au sein de nombreuses communautés. COPEVI et CIUDEMAC ont collaboré pour sensibiliser le public, développer un sentiment d’engagement et encourager une approche d’autogestion par le biais du projet.

 

Leçons retenues

  • L’établissement de partenariats solides avec d’autres organisations a été un facteur clé du succès du projet, permettant l’échange de connaissances et d’expériences et consolidant une approche couvrant différents domaines (relations politiques, aspects financiers, systèmes locaux de construction, communication avec les communautés indigènes dans leurs propres langues, etc.), ce que COPEVI n’aurait jamais pu réaliser seul.
  • L’implication de COPEVI tout au long du projet, de la sensibilisation du public à l’action directe, s’est avérée être un avantage important, lui permettant de participer à des débats politiques de haut niveau et à la mise en œuvre sur le terrain.
  • La construction d’une école au début du projet a joué un rôle important pour comprendre les raisons justifiant l’acceptation ou le rejet de l’utilisation des matériaux locales et pour réunir l’équipe technique et les constructeurs locaux.
  • Bien que la plupart des communautés indigènes travaillent ensemble dans l’intérêt commun, dans de nombreux cas, la construction des logements était considérée comme un processus réalisé par les familles et non par les communautés. Des constructions collectives ont été observées dans les communautés qui étaient bien organisées et bien dirigées.
  • L’impact économique positif a été plus important pour les personnes qui travaillaient déjà dans le secteur de la construction. Le renforcement des capacités en matière de construction et des partenariats sont nécessaires pour permettre la création d’entreprises viables financièrement.
  • Une évaluation a été réalisée en cours de projet, engendrant le développement de critères plus spécifiques pour la sélection des familles participantes, avec des conditions spécifiques pour les matériaux et la contribution au niveau de la main-d’œuvre.

 

Évaluation

Si aucune évaluation externe n’a encore été réalisée, le feedback régulier a permis à COPEVI d’adapter et d’améliorer son approche au cours du temps. Le projet est actuellement transféré à d’autres régions.

 

Transfert

COPEVI étend actuellement l’approche à deux autres régions, Zoatecpan à Puebla et la région de la Mixteca Alta de Oaxaca, travaillant avec des petits groupes de familles indigènes (incluant un groupe de femmes indigènes, avec le soutien du gouvernement municipal). CIUDEMAC a une liste d’attente de 145 familles désirant mettre en œuvre des projets similaires.

CIUDEMAC et COPEVI ont réalisé des échanges par les pairs et ont organisé des réunions avec des membres d’autres organisations de terrain désirant apprendre de leur expérience, comme le Centro para el Desarrollo Rural (Centre pour le développement rural – CESDER).

L’approche a été adoptée par différentes organisations membres du Red de Productores Sociales de Vivienda del Sureste (réseau de producteurs sociaux de logements) et est actuellement transférée dans l’état d’Oaxaca par l’organisation CODEP, en adaptant le mécanisme de financement et en construisant 40 logements.

L’approche n’a pas encore été transférée sur le plan international.